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FERTILISATION AZOTÉE : TROUVER L'ÉQUILIBRE EST TOUJOURS GAGNANT SUR LA PRAIRIE

En Normandie, des prairies sur sols limoneux peuvent fournir jusqu'à 200 kg/ha d'azote.© PHILIPPE DESCHAMPS

La prairie a des réserves importantes d'azote, surtout si elle contient des légumineuses et est pâturée. Les évaluer avant d'apporter de l'azote minéral sera source d'économies importantes. Produire de l'herbe ne coûtera pas cher.

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LE COMITÉ FRANÇAIS D'ÉTUDE ET DE DÉVELOPPEMENT DE la fertilisation raisonnée (Comifer) a actualisé la méthode de calcul pour la fertilisation azotée des prairies. Dans un guide méthodologique publié en avril 2011 et mis en ligne (www.comifer. asso.fr), des spécialistes de la question (Inra, Arvalis-Institut du végétal, chambres d'agriculture, etc.) ont mis leurs données en commun pour en faire la synthèse. Ce guide Calcul de la fertilisation azotée aborde également celle des cultures annuelles. Plutôt destiné aux conseillers en élevage, il n'en propose pas moins des références pouvant être utilisées par les éleveurs. Objectif : pratiquer une fertilisation équilibrée, c'est-à-dire en n'apportant pas plus que les besoins de la plante. Cette démarche est exigée par la réglementation environnementale. L'arrêté du 21 décembre 2011 définissant de nouvelles règles pour la mise en oeuvre de la Directive nitrates mentionne clairement l'application de ce principe dans les zones vulnérables.

Besoin en azote. Déterminer l'objectif de production

Cette méthode repose, d'une part, sur la détermination des besoins de la prairie et, d'autre part, sur les fournitures en azote du sol. Le solde indique la nécessité ou non d'un apport complémentaire en azote minéral ou organique (voir ci-contre). La mise en pratique est plus élaborée qu'il n'y paraît au premier abord. Par exemple, comment définir l'objectif de rendement d'une prairie, étape indispensable à l'estimation de ses besoins ? Selon son mode d'exploitation (fauche ou pâture, ou l'alternance des deux), selon son rythme d'exploitation (fauche précoce ou tardive, pâturage à rotation lente ou non) mais aussi selon son potentiel de rendement, il est bien évident que la production fourragère diffère. « Ce niveau de production est couramment estimé à partir des stocks annuels du troupeau desquels on déduit les stocks de maïs-ensilage constitués, indique Pierre-Vincent Protin, d'Arvalis-Institut du végétal. Seulement, dans ce raisonnement, la prairie n'est pas considérée à hauteur de ce qu'elle pourrait produire. Elle peut même être sous-valorisée. » Il est préférable d'ajuster le niveau de fertilisation au potentiel de production de chaque parcelle, en tenant compte du type de prairie (espèces, pérennité) et de son utilisation. « La prairie valorise très bien les sources d'azote disponible jusqu'à la satisfaction de ses besoins. Si l'on sous-estime son rendement, on prend aussi le risque de sous-estimer l'éventuelle fertilisation à apporter. Ce serait dommage. Produire de l'herbe ne coûte pas cher. »

Pour les parcelles ensilées, sans doute la méthode la plus précise (mais fastidieuse) est-elle de peser à vide puis à plein une remorque sur un pont-bascule s'il en existe un à proximité. Il convient ensuite de compter le nombre de remorques sorties de la parcelle et de déterminer le taux de matière sèche de l'ensilage. L'estimation est plus aisée pour le foin et l'enrubannage : il suffit cette fois-ci de compter le nombre de balles obtenues et d'en peser quelques-unes pour en dégager un poids moyen.

Comment procéder si la prairie est pâturée ?

Le Comifer indique des quantités journalières de matière sèche ingérée au printemps selon le niveau de production de la vache. Le nombre de vaches et de jours pâturés donnera l'objectif de production assigné à la parcelle, à moduler bien évidemment en fonction de la complémentation fourragère assurée parallèlement et les conditions de pâturage. Une fois l'objectif de production établi, s'appuyer sur les références de l'Inra qui fixent les besoins en azote de la prairie selon son mode de valorisation dominant (pâture, fauche) et son rythme d'exploitation (voir exemple ci-contre).

Fournitures du sol. Un poste à ne pas sous-estimer

Les sources d'azote disponible sont variables d'une région à l'autre. La température, l'humidité et l'aération du sol conditionnent le processus de minéralisation, qui sera de ce fait plus ou moins rapide. Par exemple, un sol humide, mal aéré, se réchauffe moins vite. La minéralisation s'en trouve pénalisée. De même, un climat trop sec ralentit le phénomène. À l'inverse, les températures douces de l'été 2011 et du début de l'hiver l'ont prolongé. Pas étonnant que le grand Ouest, l'Aisne, l'Est, le Limousin et le Massif central aient établi leurs propres références régionales de fournitures du sol. Pour en disposer, contacter votre chambre départementale d'agriculture ou votre coopérative. Dans certaines régions comme la Normandie ou l'Est, les fournitures peuvent largement dépasser celles provenant de la fixation symbiotique des légumineuses qui, pourtant, peuvent atteindre les 100 kg d'azote/ha (voir page précédente). La démarche ne serait pas complète si l'on n'intégrait pas les restitutions des bovins au pâturage. Elles sont également une ressource en azote. Leur niveau dépend du chargement animal et du temps que passe la vache au pâturage. Un calcul compliqué (voir ci-contre, point numéro 1) qui peut être simplifié en intégrant les restitutions dans la valeur globale des fournitures du sol. C'est le choix qu'a fait le Comifer (voir page précédente). Au final, dans un grand nombre de situations, un complément minéral n'est pas nécessaire, surtout si la prairie comporte des légumineuses.

Perspectives. Vers une fertilisation adaptée au mode d'exploitation

Les références que l'on utilise pour établir le niveau de fertilisation azotée sont annuelles. « Or, du printemps à l'automne, la valorisation d'une prairie est faite d'une succession de pâturage et de fauche. On le prend partiellement en compte aujourd'hui », regrette Pierre-Vincent Protin. Concrètement, cela permettrait de définir les besoins en azote pour chaque mode d'exploitation. On sait qu'une prairie fauchée a tendance à exporter plus d'azote de la parcelle qu'une prairie pâturée. En tenir compte permettrait de mieux considérer les différents types de fourniture d'azote (fumier, lisier, sol, légumineuses, azote minéral). L'objectif est d'intégrer toutes ces variables dans les outils de pilotage de la fertilisation. Arvalis y travaille.

CLAIRE HUE

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